Soutenance de thèse d'Ombeline Sculfort "Evolution des défenses chimiques au sein de communautés de papillons mimétiques amazoniens"

De nombreuses espèces de papillons aposématiques possèdent des défenses chimiques associées à des patrons de coloration vifs constituant un signal d’alerte visuel pour les prédateurs. En population naturelle, il est fréquemment observé des convergences évolutives de ces motifs colorés entre espèces phylogénétiquement distantes. Ainsi, des « cercles mimétiques » formés de plusieurs espèces à l’apparence similaire émergent localement. Ces interactions de mimétisme Müllerien sont positives pour les papillons. En effet, plus le nombre d’individus et/ou d’espèces partageant le même motif est grand, plus ce signal d’alerte est efficacement appris par les prédateurs qui subissent les effets des défenses chimiques. Bien que l’évolution de l’aposématisme ne soit pas totalement élucidée, l’évolution des défenses chimiques au sein des lignées de lépidoptères a probablement joué un rôle important dans l’émergence de la convergence évolutive pour le signal d’alerte coloré entre espèces mimétiques.

Dans le cadre de cette thèse je m’intéresse à des papillons mimétiques, principalement de la tribu des Heliconiini mais aussi de la tribu des Ithomiini (Nymphalidae). Ces deux clades ont divergé il y a 82 millions d’années. Si des espèces de ces deux tribus ont convergé vers un même patron de coloration, elles présentent en revanche des défenses chimiques très différentes dont les voies d’acquisition sont contrastées, ce qui peut causer d’importantes variations intra et interspécifiques qui à leur tour ont des conséquences sur le comportement des prédateurs et la dynamique du mimétisme. Les Heliconiini séquestrent des glucosides cyanogènes au stade larvaire à partir des feuilles de passiflores (Passifloraceae) mais synthétisent aussi de façon endogène ces métabolites secondaires tout au long de leur vie. En revanche, chez les Ithomiini, les défenses chimiques proviennent d’alcaloïdes pyrrolizidiniques acquis principalement au stade adulte à partir de fleurs ou végétaux en décomposition de la famille des Asteraceae, des Boraginaceae et des Apocynaceae. Les origines végétales variées et la possibilité d’une voie endogène des défenses chimiques ainsi que la différence dans les stades développementaux où elles sont acquises (chenille ou adulte) suggèrent une évolution différente des défenses chimiques dans ces deux tribus.

Au cours de cette thèse j’ai pu montrer que la considération du mimétisme Müllerien est cruciale pour l’implémentation de modèle théorique visant à comprendre les boucles de rétroaction entre mimétisme, aposématisme et spécialisation sur les plantes hôtes. L’analyse des variations qualitatives et quantitatives des glucosides cyanogènes d’Heliconiini sauvages a mis l’accent sur l’influence des relations phylogénétiques mais aussi de facteurs écologiques : interaction mimétique, spécialisation à la plante hôte et micro-habitat, sur l’évolution des défenses chimiques. Elever des Heliconiini en conditions contrôlées précisa les variations des défenses chimiques au cours du développement et le contrôle génétique sur les glucosides cyanogènes synthétisés. Les papillons de ces deux tribus peuvent séquestrer un très grand panel de molécules candidates aux vues de la diversité des molécules produites par les plantes. Pourtant, la diversité des molécules de défenses connues des Heliconiini est assez restreinte contrairement à celle des Ithomiini. En exploitant des techniques de chimie analytique j’ai pu explorer la diversité des glucosides cyanogènes des Heliconiini et des alcaloïdes pyrrolizidiniques des Ithomiini pour tenter de découvrir de nouvelles molécules de défenses. La combinaison d’approches méthodologiques : de modélisation, de chromatographie liquide couplée à la spectrométrie de masse en tandem, de signal phylogénétique, d’élevage de papillon, d’imagerie par spectrométrie de masse et de réseau moléculaire a permis d’explorer des questions évolutives en alliant biologie, chimie des substances naturelles et phylogénie.

 


Le jury sera composé de :
Madame Violaine Llaurens, Chargée de recherche, CNRS, Directrice de thèse
Monsieur Bastien Nay, Directeur de recherche, CNRS, Directeur de thèse

Madame Martine Maïbèche, Professeure, Sorbonne Université, Rapporteure
Monsieur Michel Baguette, Professeur, MNHN, Rapporteur
Madame Laurence Després, Professeure, Université Grenoble Alpes, Examinatrice
Madame Magali Proffit, Chargée de recherche, CNRS, Examinatrice
Monsieur Mathieu Chouteau, Chargé de recherche, CNRS, Examinateur